mercredi 14 décembre 2016

Une fois n'est pas coutume, je prends la plume aujourd'hui pour vous parler d'un livre que je n'ai pas aimé : Les gens heureux lisent et boivent du café, d'Agnès Martin-Lugand.
Le titre m'avait attirée. Mauvaise pioche... Il s'agit d'une bluette qu'un éditeur bien connu de romans de gare ne renierait pas.
L'héroïne, Diane, a perdu son mari et sa fille unique dans un accident de voiture (premier paragraphe du roman et le seul dont la narration ne soit pas convenue). Incapable de surmonter le choc, elle part s'isoler en Irlande. Son voisin est brusque, taciturne. Leurs premiers contacts sont orageux. Et bien sûr ils finiront par tomber dans les bras l'un de l'autre.
L'ensemble n'évite aucun poncif du genre, tout y est banalement prévisible et dénué de la moindre émotion. 
Si l'on ajoute à cela une langue plate et sans intérêt, on aura fait le tour de la question.


mercredi 23 novembre 2016

Un autre coup de cœur, que je souhaitais partager avec vous depuis un moment sans parvenir à en trouver le temps : Profession du père, de Sorj Chalandon.

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Un livre magnifique sur la difficulté d'être le fils d'un père affabulateur, mythomane, paranoïaque, violent...

Avec une grande pudeur, Sorj Chalandon met en lumière le débat intérieur qui déchire tous les enfants confrontés à la folie d'un de leurs parents : comment choisir entre la trahison de soi-même, en suivant vaille que vaille les divagations parentales - ici, paternelles -, et l'insupportable trahison du parent concerné que constitue la moindre prise de distance. Conflit impossible à résoudre, et terriblement destructeur, puisque quelle que soit l'option retenue on ne peut en sortir que perdant.
En grande partie autobiographique, ce récit de la déchirure intime est également porté par un souffle d'aventure : le père est un héros, espion romanesque qui forme son fils au maniement des armes et à la vie de commando, ex-conseiller secret du Général de Gaulle qui projette néanmoins de l'assassiner pour rendre l'Algérie à la France, ancien parachutiste qui confie à son jeune fils des missions aussi dangereuses qu'excitantes.
Difficile de résister à un tel rouleau compresseur... D'autant que la mère, passive et résignée, se contente de regarder en silence le fils s'enfoncer, de mensonge en mensonge, dans la folie du père.

Porté par une langue simple, sans pathos, et une façon de raconter le pire avec tendresse et humour, Profession du père est tout simplement une merveille. Et s'il n'obtient pas, comme Laëtitia, mon prix personnel du meilleur roman de l'automne, c'est juste parce que... je l'ai lu cet été !


vendredi 4 novembre 2016

 Un vrai coup de cœur !

La nouvelle est tombée il y a deux jours: Laëtitia ou la fin des hommes, d'Ivan Jablonka, a obtenu le prix Médicis 2016.


Je ne suis pas une inconditionnelle des prix littéraires, ce serait même plutôt le contraire. En outre je n'aime pas beaucoup les effets de mode, quel qu'en soit l'objet. C'est pourquoi généralement je me tiens à distance des commentaires qui suivent le couronnement de tel ou tel ouvrage.

Néanmoins, cette fois-ci je vais faire une exception.
En premier lieu parce que le livre en question est exceptionnel.
Ensuite parce qu'il est tout aussi exceptionnel que le prix Médicis, dans sa catégorie roman, récompense un ouvrage qui n'a justement rien d'un roman.
Pour une raison très personnelle enfin : j'étais en train de le lire lorsqu'il a été distingué. Et déjà je pensais que je tenais là la matière de mon prochain billet.

Ivan Jablonka, écrivain et historien, professeur d'histoire contemporaine à Paris XIII, y retrace l'itinéraire de Laëtitia Perrais, assassinée en janvier 2011 près de Nantes. De sa naissance à sa mort, au gré de la vie cabossée qu'elle a connue avec Jessica, sa sœur jumelle.
Sur un tel sujet, les écueils étaient nombreux : sensationnalisme, misérabilisme, voyeurisme et autres petites bêtes en "isme" qui ont pour seul intérêt d'assurer les ventes.

Ivan Jablonka réussit le tour de force de les éviter tous.

Son récit est précis, documenté. Il a mené son enquête avec rigueur, et cela se voit.
Si nécessaire, il remonte dans les siècles passés pour mieux expliquer son propos (historien un jour, historien toujours !), sans pour autant s'encombrer de détails inutiles ou abscons. Il aborde ainsi, mine de rien, de nombreux thèmes qui agitent notre société : le poids de la famille et de l'éducation, l'école, la violence, en particulier celle infligée aux femmes, les services sociaux, la prison, la récidive, l'exploitation politique des faits divers... Chaque fois son analyse est pertinente, et jamais gratuite : c'est le parcours des jumelles qui l'amène à réfléchir sur ces sujets, et non l'inverse.

Parce qu'il est difficile d'y échapper malgré tout, l'émotion est sous-jacente, mais toujours retenue. Cela est dû en grande partie au style, limpide et sans pathos.

Enfin, je terminerai ce rapide tour d'horizon par le parti pris narratif. Ivan Jablonka mène en fait deux récits à l'intérieur du même livre, deux récits qui se répondent et s'éclairent mutuellement : celui de l'enquête policière, de l'instruction et du procès d'une part, et celui de l'existence de Laëtitia avant le drame d'autre part. Chacun d'entre eux respecte la chronologie qui lui est propre, et l'on passe de l'un à l'autre en changeant de chapitre. Le très grand intérêt du procédé est de ménager des pauses dans chaque récit, ce qui tient le lecteur en haleine tout au long de l'ouvrage. La lecture en est aisée, et, oserai-je ajouter, vivante...
Comme tout bon roman, finalement.

Bref, si vous ne savez pas quoi lire ce week-end, précipitez-vous sans hésiter : Laëtitia est de loin le meilleur livre que j'aie lu cet automne !


jeudi 20 octobre 2016

A tout seigneur tout honneur, le premier ouvrage dont j'ai envie de vous parler n'est pas vraiment une nouveauté : Inconnu à cette adresse, de Kressmann Taylor, publié pour la première fois en 1938 dans le journal américain Story Magazine.


 S'il y a un livre que je regretterai toujours de ne pas avoir écrit, c'est bien celui-là !

Ce roman bref et dense est constitué d'une vingtaine de lettres échangées entre deux amis, de novembre 1932 à mars 1934.
L'un, rentré depuis peu chez lui en Allemagne, assiste avec un enthousiasme grandissant à la montée du nazisme. Ce qui suscite l'inquiétude de l'autre, juif américain resté à San Francisco pour s'occuper de la galerie de peinture qu'ils tenaient ensemble jusque là. Leur correspondance, d'abord fraternelle et chaleureuse, change peu à peu de ton au fur et à mesure que l'Allemand adhère aux thèses de Hitler, notamment en ce qui concerne les Juifs.
Jusqu'au dénouement, d'une foudroyante efficacité.

La grande force du livre - outre le choc de la fin bien sûr -, réside dans ce qui n'est pas raconté. Ce qui se passe au-delà des lettres, dans les silences, le non-dit. Ce qu'on devine, et qui fait froid dans le dos. Un modèle du genre, tant dans l'économie de moyens que dans l'effet produit.

Je suis une inconditionnelle de cet ouvrage, qui rassemble sur une soixantaine de pages puissance de la fiction et choix narratifs impeccables.
Tous ceux qui travaillent avec moi en atelier d'écriture le savent d'ailleurs déjà !


vendredi 14 octobre 2016

Depuis le temps que je vous l'annonçais sur le site des Mots Vagabonds... Le voici enfin, ce blog !

Mais au fait, pourquoi ce nom malicieux ? Que vient faire une souris dans un atelier d'écriture, hormis grignoter les pages des livres oubliés ? Quant à la luzerne...
???

Autant vous l'avouer, j'ai un faible pour les souris. Petites, curieuses, vives, gourmandes, leurs yeux en boutons de bottine et leurs oreilles rondes toujours à l'affût, elles trottinent sans répit en dévorant tout ce qui leur tombe sous les pattes avec un enthousiasme dévastateur.
De là à penser que j'en fais autant dans les dictionnaires, les encyclopédies et l'immense vivier d'Internet, aussi bien pour préparer mes ateliers d'écriture que pour le plaisir de la découverte, il n'y a qu'un pas que je franchis allègrement !
 
http://lostin-echo.tumblr.com/post/39593942412#

Bon. Et la luzerne ?
Plante fourragère identifiée comme telle il y a 10.000 ans en Asie mineure, elle s'est peu à peu propagée sur tous les continents au gré des migrations, jusqu'à être cultivée dans le monde entier depuis le XVème siècle. Ses nombreuses qualités en font aujourd'hui un des emblèmes de l'agriculture durable. Sans compter que les abeilles en raffolent !
Le mot lui-même serait emprunté au provençal luzerno, "ver luisant" mais aussi "luzerne" en raison de l'aspect brillant de ses graines - terme à son tour issu de luzerna, "lampe" ou petite lumière en ancien provençal (http://www.cnrtl.fr/etymologie/luzerne/substantif).
Symbole d'une agriculture respectueuse de notre environnement, petite lumière modeste au nom provençal éclairant nos Mots Vagabonds en pays d'Aix... il me semble tout naturel de placer ce blog sous ses auspices.
Mais la raison principale de sa présence ici est plus prosaïque. J'aime la rencontrer au détour d'un chemin, ou s'égayant follement au milieu d'une prairie, jolie plante têtue de couleur mauve ou jaune selon qu'elle est cultivée ou non. Et la délicate hélice de son fruit me fascine.

Medicago sativa - La Coma - IB181 (Alfals). By Isidre blanc (Own work)
[CC BY-SA 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)] via Wikimedia Commons https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=49970627

Alfalfa-12, By Philmarin (Own work) [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)] via Wikimedia Commons, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=18409967


Bienvenue, donc, sur le blog des ateliers d'écriture des Mots Vagabonds !
Et longue vie à notre petite souris dans la luzerne...